Si une attribution de valeur provoque une action externe, les modifications de fonctionnement des organes internes disparaissent lorsque l'action externe se termine. Par contre si une attribution de valeur ne provoque pas une action externe, elle provoque une action interne qui peut durer aussi longtemps que l'attribution de valeur existe.
La motivation déclenche l'attaque. L'inhibition, l'environnement et la punition déclenchent la fuite. Le fonctionnement des organes internes est différent selon que l'action est l'attaque ou la fuite et ce fonctionnement est basé sur le principe d'adaptation au monde extérieur. C'est à dire que l'attaque ou la fuite s'arrête lorsqu'une valeur d'indifférence est attribuée à la nouvelle situation obtenue par l'action sur le monde extérieur.
Si les organes internes sont activés trop rapidement et trop souvent pour optimiser alternativement l'attaque et la fuite un processus d'inhibition apparaît pour protéger ces organes. De même si les organes internes sont activés trop longtemps le même processus d'inhibition apparaît. Ce processus ramène la motivation à une valeur indifférente qui arrête l'action. Si l'action continue par l'effort, les organes internes continuent à être activés et au delà d'une certaine limite des modifications de comportement de ces organes internes apparaissent. Si ces modifications de comportement perdurent un dysfonctionnement de ces organes apparaît sous forme de maladies. Le stress est un état de l'individu, créé par un effort prolongé au delà d'une certaine limite de temps. Cet état est initialement ressenti comme un mal-être qui peut s'aggraver jusqu'à la dépression. Ce mal-être signale une modification de comportement des organes internes et ce n'est que par après que les symptômes de la maladie signalent le dysfonctionnement des organes internes.
Il faut remarquer que la réflexion est un effort et que pendant la réflexion il n'y a pas d'action externe.
Les effets du stress dépendent de la constitution physiologique de l'individu et de son affectivité, de sa façon d'attribuer des valeurs, et de la durée de l'effort.
Si sa motivation est grande et qu'il désire atteindre un résultat, il fera peu d'effort et atteindra le résultat désiré.
Si sa motivation est faible et qu'il désire atteindre un résultat, il fera de grands efforts et atteindra le résultat désiré.
Si sa motivation est grande ou faible et qu'il a envie d'atteindre un résultat, il continuera à faire de grands efforts et n'atteindra jamais le résultat envié. L'individu dont les tendances sont des envies a plus de chance d'être stressé, car aucune action externe dans le monde réel ne permet d'atteindre une situation représentée par un concept, par un objet mental possédant une composante sensorielle nulle.
On peut classer les individus en stressés et non stressés, mais peut-on les classer en catégories sujet au stress ou non sujet au stress. Je ne pense pas et je cite un exemple. Mr. S., licencié en mathématique, rentre à 23 ans dans une société de dimension moyenne comme vendeur technico-commercial. A 27 ans il est directeur commercial, à 30 ans il est directeur général. A 32 ans il demande à redevenir directeur commercial. A 33 ans il demande à redevenir vendeur. Il est devenu indifférent à la valeur de la punition associée à son échec qui ne lui était d'ailleurs pas imputable. Il attribue maintenant une grande valeur à sa famille, et son salaire de vendeur est même supérieur à son salaire de directeur. Jusqu'à l'âge de 27 ans Mr. S. était motivé parce qu'il désirait réussir. De 27 à 33 ans il faisait un effort parce qu'il avait envie de devenir cadre et il était stressé. Aujourd'hui il est motivé parce qu'il désire être heureux en famille et subvenir à ses besoins.
Le stress, qui se signale par le sentiment de mal-être, peut se transformer en dépression, qui se signale par des symptômes. Ces symptômes signalent qu'il y a des modifications importantes du fonctionnement de l'individu, et ces modifications peuvent être annulées. Mais annulées par quoi? Il est surprenant de découvrir le nombre de thérapies qui existent pour soigner la dépression. Il est surprenant de constater le nombre de réussites et le nombre d'échecs pour une même thérapie, sans trouver de justification. A un extrême il y a la prise de médicaments antidépresseurs, à l'autre extrême il y a la visite chez le marabout.
Il est intéressant de citer l'étude faite par l'équipe du docteur Dominique Musselman de l'Emory University à Atlanta. Les individus souffrant de dépression sévère ont quatre fois plus de chance de mourir d'une crise cardiaque que les individus normaux. L'équipe rechercha si une des causes n'était pas une modification des plaquettes du sang, modification qui a pour conséquence que certaines plaquettes sont collantes et ont tendance à s'agglomérer, créant ainsi des problèmes cardiaques. L'analyse des échantillons de sang de personnes dépressives et de personnes normales, montra que le nombre de plaquettes collantes était plus élevé de 41% pour les personnes dépressives. L'équipe rechercha ensuite l'influence des médicaments antidépresseurs. Sur un échantillon de quinze personnes initialement dépressives qui prenaient ce type de médicament, il fut constaté que le nombre de plaquettes collantes diminuait et même revenait à la normale pour certaines personnes. Le traitement diminuait les modifications internes de l'organisme et améliorait l'humeur de la personne. Dominique Musselman se posa la question suivante: la diminution du nombre de plaquettes collantes est-elle due au médicament ou à l'amélioration de l'humeur de la personne? Pour trouver la réponse un test fût effectué sur des personnes dépressives, certaines prenant un médicament, d'autres un placebo. Les résultats des analyses suggèrent que pour les personnes dont l'humeur ne s'améliore pas suite à la prise d'un médicament, il n'y a pas beaucoup de réduction du nombre de plaquettes collantes. Par contre, pour les personnes dont l'humeur s'améliore, même suite à la prise d'un placebo, il y a une réduction du nombre de plaquettes collantes. Ce résultat suggère que l'amélioration de l'humeur est le facteur clé.
Une autre expérience confirme l'importance de la croyance par rapport à l'effet physiologique d'une substance. Joseph Himle, psychiatre à l'Université de Michigan à Ann Arbor, désirait savoir si l'alcool réduisait réellement l'anxiété. L'expérience consistait à faire parler en public des personnes souffrant de phobie sociale, personnes qui étaient d'accord d'absorber avant leur présentation une boisson contenant une certaine quantité d'alcool. En fait la moitié des volontaires absorbait un placebo ne contenant pas d'alcool. Pendant le discours le rythme cardiaque était enregistré, et après le volontaire remplissait un questionnaire pour établir son niveau d'anxiété. Il n'existe pas de relation entre la consommation réelle d'alcool et le niveau d'anxiété. Par contre il existe une relation entre la quantité d'alcool que l'individu croit avoir bu et le niveau d'anxiété. Même pour les individus ayant consommé un placebo, la croyance que la boisson contenait de l'alcool diminue l'anxiété de façon significative.
Une amélioration de l'humeur, un changement d'humeur, un changement de l'impression désagréable en moins désagréable ou même agréable, est provoqué par un changement d'attribution de valeur. Un changement de valeur peut certainement modifier le comportement d'un individu, éliminer l'état de stress et transformer le sentiment de mal-être en bien-être. Il est évident que s'il y a des symptômes de maladies, ces maladies doivent être guéries par un traitement médical. Mais ce traitement médical n'élimine pas la cause de l'état de stress. Pour un individu qui présente les symptômes d'une dépression, il se peut que le dysfonctionnement dû à la dépression ne lui permette pas de réaliser ce changement. Il devra suivre un traitement antidépresseur pour réduire le dysfonctionnement et ainsi pouvoir changer de valeur. Le risque est que le traitement antidépresseur crée un sentiment de bien-être, qu'il supprime l'effet mais pas la cause. L'individu ne cherchera pas à changer de valeur et continuera indéfiniment à utiliser des antidépresseurs.
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