"C'est quand même logique". Cette expression est utilisée pour convaincre un interlocuteur que ce que l'on dit est vrai. Mais logique n'est pas équivalent de vrai. Ce qui est vrai est conforme à la réalité. Une suite de propositions est logique si elle respecte certaines règles qui font que cette suite est vraie en tout état de cause, indépendamment de la vérité ou de la fausseté des propositions qui y figurent. La logique s'intéresse à la formation des propositions. Le vrai s'intéresse au contenu de la proposition. La logique est un ensemble de règles appliquées au jugement rationnel. Le jugement rationnel manipule des pensées, des objets mentaux exprimés par le langage. Quelles sont les limites de l'expression de la pensée rationnelle? Il nous faut définir trois domaines dans lesquels nous évoluons: le monde réel, la pensée et le langage.
Le monde est composé de choses (objets, entités) qui arrivent ou n'arrivent pas. Il est impossible d'imaginer une chose qui n'est pas en relation avec d'autres choses, nous définirons les états des choses comme les possibilités de relation entre choses. Un fait est ce qui arrive, c'est l'existence d'un état de chose parmi tous les états des choses (possibilités). Le monde réel est la totalité des faits, tout ce qui arrive.
le monde réel des faits
La pensée est un processus de création d'un tableau. Ce tableau représente un fait, un état de chose qui est réel. Le tableau est composé d'éléments. Ces éléments correspondent aux choses par la forme de représentation des éléments, qui est la possibilité que les choses se comportent comme les éléments. Le tableau possède une structure qui est l'ensemble des relations entre les éléments. Cette structure correspond aux états de choses par la forme de représentation de la structure, qui est la possibilité que les choses se comportent les unes vis à vis des autres comme les éléments du tableau, il doit y avoir possibilité d'état des choses. Nous avons établi une correspondance entre les domaines du monde réel et de la pensée. Le tableau, les éléments et la structure sont des objets mentaux exprimés par le langage.
la pensée
La pensée s'exprime par le langage sous forme de propositions. Une proposition exprime un tableau. Une proposition ne peut dire d'un fait que comment il est, elle ne peut que le décrire, elle ne peut pas dire ce qu'il est.
Une proposition est composée de signes et de signes propositionnels. Les signes sont les moyens utilisés par le langage pour exprimer les éléments du tableau. La correspondance entre les signes et les éléments du tableau est la signification. On distingue différentes complexités de signes. Le signe simple suffit à exprimer l'élément du tableau, par exemple le nom. Le signe complexe est utilisé au cas où l'élément ne peut être exprimé que par sa description par une proposition. La définition est la condensation d'un signe complexe en signe simple. Les signes propositionnels sont les moyens utilisés par le langage pour exprimer la structure (relation) des éléments du tableau. La correspondance entre les signes propositionnels et la structure est la signification. Les signes de la proposition sont en relation d'une manière déterminée par les signes propositionnels (égal, différent de, =, #, ...).
le langage
L'homme possède la faculté de construire des propositions sans avoir de notion de signification des signes et des signes propositionnels. C'est à dire en utilisant un même signe pour plusieurs éléments, en utilisant des signes propositionnels qui n'ont pas de correspondance avec la structure du tableau (#, ne pas au lieu de "différent de"). L'homme possède aussi la faculté de construire des propositions qui représentent un tableau n'ayant pas de forme de représentation, c'est à dire qui ne représente pas un fait unique, parce que les éléments et la structure n'appartiennent pas à un tableau unique: "le Bien est il identique au Beau?".
le jugement rationnel logique
Dans les deux cas les propositions sont vides de sens logique. Une proposition n'a de sens logique que si les significations des signes et les formes de représentation forment un tableau unique de pensées. La correspondance entre langage et monde réel donne un sens logique
à la proposition. Le jugement rationnel logique, exprimé par la proposition, nous donne un fait possible. Si la proposition est toujours vraie (il pleut ou il ne pleut pas, je suis) la proposition est vide de sens logique. Si la proposition est toujours fausse (il pleut et il ne pleut pas, je ne suis pas) la proposition est vide de sens logique. Seul le jugement de vérité, qui utilise l'expérimentation et nous met en contact avec le monde réel, nous dit que le fait est vrai ou faux, qu'il est réel ou non. Si le jugement rationnel logique a subi l'épreuve de vérité, nous pouvons établir des règles, des lois, qui permettent en les appliquant dans le monde réel d'obtenir des résultats conformes aux prédictions, aux conclusions du jugement. Nous pouvons expliquer, faire connaître, décrire un fait, dire comment il est, dire comment il se comporte avec d'autres faits. Nous ne pouvons pas dire ce qu'il est car une proposition n'a de sens logique que si toutes les significations et toutes les formes de représentations existent.L'homme possède aussi la faculté de construire des propositions correspondant à des tableaux qui n'ont pas de structure, c'est à dire dans lesquels les liaisons entre éléments ne sont pas des relations mais des associations. Il n'y a pas de forme de représentation de la structure et ainsi le fait ne peut pas être possible, il ne peut qu'être vrai ou faux. Une proposition qui exprime une croyance ou une règle n'a pas de sens logique, mais elle a une valeur pour celui qui l'exprime.
les croyances et les règles
Ainsi la proposition "les voitures sont sur la bande de droite" a un sens logique. "Voitures" et "bande de droite" sont des signes auxquels correspondent des éléments du tableau et ces éléments correspondent à des choses du monde réel. "Etre" est un signe propositionnel auquel correspond une relation entre les éléments et qui correspond à un état des choses du monde réel (une liaison). Par contre "les voitures doivent être sur la bande de droite" n'a pas de sens logique. "Voitures" et "bande de droite" sont des signes auxquels correspondent des éléments du tableau et ces éléments correspondent à des choses du monde réel. "Doivent être" est un signe propositionnel auquel correspond une association des éléments du tableau, mais cette association ne correspond à aucun état des choses du monde réel. Si nous respectons la règle de rouler à droite, ou plutôt du bon côté, ce n'est pas parce qu'elle a un sens logique, mais parce qu'elle a une valeur.
L'homme souvent manipule des objets mentaux sans être conscient de leur type; percept, image ou concept. Par exemple si je dis "tous les cygnes que je vois sont blancs", "cygne" est un percept. Si je dis "tous les cygnes que je connais sont blancs", "cygne" est une image. Si je dis "tous les cygnes sont blancs", "cygne" est un concept. Il est évident que la dernière phrase est plus facile à dire, mais elle sous-entend un principe de généralité, d'universalité, d'absolu, pour lequel mon cerveau est incapable d'établir une forme de représentation, il n'y a pas de correspondance entre élément du tableau et chose du monde réel. L'utilisation de mots tels que "les, tous les, tout, chaque fois, toujours, aucun" implique que l'élément du tableau de pensée est un concept universel.
la manipulation des concepts
L'homme peut également manipuler le langage et des objets mentaux sans être conscient de ce qu'il désire représenter du monde réel. Jusqu'à présent nous admettons que dans le monde réel il y a des choses et un état des choses et qu'une proposition décrit un fait. Mais l'état des choses change dans le temps. Une proposition peut donc décrire un processus qui correspond aux choses et à l'évolution de l'état des choses dans le temps. "Les voitures circulent sur la bande de droite" exprime l'évolution de l'état des voitures. Mais pour me simplifier la vie, je peux parler de "circulation". "Circulation" est un nom, un signe complexe qui nécessite une description. Si je me demande ce que signifie "circulation", je m'attends à trouver un élément correspondant dans le tableau de pensées, et une chose correspondant à cet élément dans le monde réel. Mais cette chose n'existe pas, c'est le processus qui existe, les choses et leurs changements d'états que je compare à différents instants.
le monde des processus et le temps
Pour décrire le monde réel nous utilisons le langage des mots. Mais le langage mathématique représenté par des graphiques permet souvent de mieux comprendre la réalité. Ainsi le nombre d'individus d'une population dépend du taux de croissance, mais aussi du nombre d'individus. En langage parlé cela ne veut pas dire grand chose.
En langage mathématique nous pouvons dire Xn+1 = r*Xn*(1-Xn), "n+1" représentant l'instant suivant "n". Mais cela nous semble encore plus difficile à comprendre. Par contre si nous représentons graphiquement cette équation, nous découvrons que l'état des choses (le nombre d'individus) est une relation simple et que l'évolution de l'état des choses (le nombre d'individus dans le temps) est complexe. Cette complexité, qui dans le langage parlé semble mystérieuse, est exprimée simplement dans le langage mathématique.
état des choses
évolution de l'état des choses
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