Il y a des objets mentaux constitués uniquement de connexions entre neurones du cortex. Nous appellerons ce stock d'objets mentaux la mémoire déclarative. La mémoire déclarative contient des informations passées qui peuvent être retrouvées consciemment.
Mais il y a aussi des objets mentaux affectifs constitués de connexions entre neurones du cortex et du cerveau moyen. Nous appellerons ce stock d'objets mentaux affectifs la mémoire émotionnelle ou procédurale. La mémoire procédurale contient l'expérience de l'individu, tous les comportements qu'il a appris ou créés et qui le plus souvent sont utilisés inconsciemment.
Nous constatons qu'il y a une mémoire à court terme; un stock d'objets mentaux que nous pouvons manipuler pendant une durée courte et qui disparaît après un certain temps. Il semble que dans la mémoire à court terme, les connexions entre neurones qui créent le réseau ne soient pas complètes, qu'elles disparaissent après un certain temps, qu'elles soient temporaires. Mais nous constatons aussi qu'il y a un autre type de mémoire, d'où nous pouvons retirer des objets mentaux stockés depuis longtemps; ils sont stockés dans la mémoire à long terme. Il semble que dans la mémoire à long terme, les connexions entre neurones qui créent le réseau soient complètes, qu'elles soient permanentes.
Dans la mémoire à court terme nous manipulons des objets mentaux en provenance de nos sens (percepts) et d'autres objets mentaux (images, concepts) en provenance de la mémoire à long terme. Avant de stocker des objets mentaux dans la mémoire à long terme, ils passent d'abord dans la mémoire à court terme. Avant que les connexions entre neurones soient complètes pour former un objet mental permanent, il faut que ces connexions se développent. Pendant ce développement, ces connexions peuvent continuer à se développer ou disparaître.
La distinction entre mémoire déclarative et émotionnelle est théorique et l'idée du stock à court et à long terme est une métaphore. Un percept, un objet mental formé à partir des capteurs, possède des connexions dans le cortex et dans le cerveau moyen. Pour pouvoir être mémorisé il faut que le percept ait un sens, qu'il puisse être relié à un objet mental existant dans la carte mentale, (l'utilisation consciente de cette liaison est un moyen mnémotechnique employé par les individus qui ont une grande capacité à mémoriser de longues séries de chiffres ou de mots). Mais cette relation est aussi une comparaison du nouvel objet mental avec un ancien objet mental de référence. Il y a donc attribution de valeur. Si la valeur est très importante, si elle provoque une impression très agréable ou très désagréable, il semble que l'objet mental soit mémorisé à long terme. Si la valeur est indifférente, l'objet mental n'est pas mémorisé à long terme. Entre les deux, l'objet mental sera mémorisé à long terme si la valeur est répétée. Nous apprenons en mémorisant bien ce que nous aimons, nous nous souvenons des événements qui ont provoqués une émotion forte, agréable ou désagréable. Il semble également que la mémorisation inconsciente de certains événements soit liée à une forte émotion, à une attribution de valeur importante.
Ce qui nous intéresse, c'est de pouvoir utiliser un maximum d'objets mentaux de la mémoire à long terme, un maximum d'information. Pour cela il faut pouvoir mettre un maximum d'information dans la mémoire et pouvoir en retirer un maximum.
On constate que dans la mémoire à long terme, la quantité d'information retenue est d'autant plus grande que l'information initiale est transmise par plusieurs capteurs à la fois (vue, ouïe, toucher), qu'elle est répétée, qu'elle est présentée sous différents aspects, qu'elle est expliquée. Elle est d'autant plus grande qu'un plus grand nombre de neurones est activé; que le nouvel objet mental active des objets mentaux déjà mémorisés, que le nouvel objet mental active des neurones du cerveau moyen (émotion). Tous ces éléments semblent favoriser le dévelopement des connexions entre neurones et transforment l'objets mental temporaire en objet mental permanent.
Le processus d'accès à l'information, ou de retrait des objets mentaux de la mémoire à long terme, fonctionne de façon sélective; l'objet mental que nous retrouvons n'est pas une photographie mais plutôt un rapport. C'est un processus de reconstitution d'attributs (image) qui souffre de contamination, car il contient plus d'attributs que le percept original. Il souffre de perte d'information, car certains attributs originaux ont disparus. On constate qu'après trois ans, seulement trente pour cents des informations sont encore accessibles, et que ce pourcentage ne varie plus après ces trois années.
Pour réduire la contamination et la perte d'information on peut utiliser une méthode d'interview et poser les questions suivantes: "dites moi ce que vous voyez, entendez", "séparez ce qui est important", séparez les faits des réactions émotionnelles", "racontez tout, y compris les détails", "souvenez vous des évènements dans un autre ordre", "souvenez vous d'un autre point de vue, comme si vous étiez une autre personne".
Le processus d'accès à la mémoire procédurale est complexe du fait que le contenu de cette mémoire est utilisé inconsciemment pour agir. En fait si un comportement mémorisé donne des résultats insatisfaisants aujourd'hui, il faut se rendre compte que, dans le passé ce comportement a été choisi pour s'adapter à certaines circonstances et qu'il a été maintenu parce qu'il a donné des résultats satisfaisants pendant un certain temps. Aujourd'hui ce comportement ne donne plus satisfaction parce que les circonstances ont changé. Comme l'individu est incapable de modifier ce comportement qui est mémorisé à long terme, l'individu souvent cherche à modifier les circonstances actuelles pour retrouver les circonstances passées. L'individu, avec ou sans aide, peut créer un nouveau comportement adapté aux circonstances actuelles, et il peut attribuer une valeur à ce nouveau comportement. Mais l'ancien comportement existe toujours et il possède toujours sa valeur. L'individu choisira par un jugement de valeur le comportement qui lui procure l'impression la plus agréable. Il est important que par une analyse personnelle, l'individu prenne conscience de la valeur actuelle d'un comportement mémorisé, s'il désire utiliser un nouveau comportement.
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